Une solution radicale
Ma patronne a reçu ce jour une carte postale d’une cliente, partie se ressourcer auprès de sa fille qui vit en Guyane.
Elle en profite pour m’expliquer que cette dame, veuve depuis un an, ne voulait pas se rendre sur cette île, malgré les conseils de ma patronne, qui lui avait vanté le soleil, la plage, la mer et le repos bien mérité, après l’année que sa cliente venait de passer auprès de son mari grabataire, qu’elle avait accompagné jusqu’au dernier souffle.
Je suis donc venue à lui parler de ma visite chez mon grand-père, atteint de la maladie d’Alzheimer.
Le 31 décembre, j’ai profité de mon jour de congé, que mes filles ne soient pas malades, de la bonne santé de mon grand-père et de la disponibilité de sa femme pour embarquer toute la famille les voir.
Cela faisait déjà 3 ans et demi que j’y étais allée pour la dernière fois ; à l’époque, j’étais enceinte de ma Première. Depuis, je n’ai pas pu m’y rendre. C’était donc l’occasion de présenter enfin mes deux filles.
Quel choc en arrivant ! mon grand-père n’est plus que l’ombre de lui-même. Il est bossu, reste la tête baissée, et quand il me regarde, il me voit comme une étrangère. Il ne dit rien. Il me regarde de temps en temps avec un regard bizarre, gênant, qui me fait baisser les yeux.
Il n’arrive plus à marcher seul. Sa femme doit le soutenir pour faire trois pas.
Par-dessus Alzheimer s’est installée la maladie de Parkinson. Un méchant cocktail.
Il faut sans cesse l’aider à prendre son verre, à le porter à sa bouche au risque que tout soit renversé.
Il faut aussi lui dire de cracher les noyaux des olives, sinon il oublie et les avale.
Il faut lui dire d’arrêter de manger car il vient de terminer son repas.
Il n’a plus aucune conversation. Il ne répond plus aux questions. Au mieux dit-il les derniers mots des phrases qu’il entend, ce qui donne « ce n’est qu’une question d’organisation »
Mon grand-père : « organisation, question d’organisation, organisation, question d’organisation …».
A la fin de mon récit, ma patronne n’a rien trouvé de plus intelligent à me dire que :
« oui bah en gros il sert plus à rien votre grand-père, c’est un peu comme un légume. Ces gens-là sont de vrais boulets pour leur entourage, faudrait mieux les piquer, les euthanasier. En plus comme ça, ça coûterait moins cher aux caisses de retraite et à la Sécu ».
Quelle mentalité !
Sinon, je suis fière de ma Première qui a aucun moment n’a ri devant le « spectacle ». Elle a seulement refusé d’embrasser mon grand-père et m’a dit, une fois partis et installés dans la voiture « il est bizarre ton Papy ».